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L’auteur

Bernard-Marie KOLTÈS Photo Elsa RUIZBernard-Marie Koltès est né à Metz, le 9 avril 1948. Son père était officier de carrière, ce qui amena les Koltès à déménager souvent, s’éloignant parfois de la Lorraine. Metz n’en resta pas moins le principal point d’attache et, plus précisément, le quartier Sainte-Thérèse où la famille fréquente assidûment la paroisse, où Bernard va à l’école et où, tandis qu’Édouard Koltès, [son père], appelé en Indochine ou en Algérie, est souvent absent, Germaine, la mère, élève ses trois enfants.

Selon de nombreux témoignages, Bernard était un garçon très attachant mais plutôt timide. Comme beaucoup d’enfants de militaires, il fut pensionnaire, au collège Saint-Clément, chez les Jésuites. Là, souffrant de l’éloignement de ses proches, il leur adresse quelques lettres déchirantes. Il s’applique à ses études, mais peine à obtenir de bons résultats. Il pleure, la nuit, dans le dortoir. Ses professeurs, ardents scrutateurs des reins et des cœurs, s’inquiètent pour lui. L’un d’eux écrit sur son bulletin cette phrase qui, après coup, résonne de manière prophétique  : «  Bernard court à la catastrophe avec le sourire  ». L’enfant attend avec impatience les vacances, pour retrouver ses frères, ses cousines et, surtout, cette mère, à laquelle il voue un amour sans réserve, et qui le lui rend, d’ailleurs, avec une ferveur au moins égale.

À 18 ans, Koltès part au Canada animer un camp d’enfants catholiques. Au passage, il perçoit la beauté du continent américain et revient ébloui, bouleversé de ce premier périple. En même temps que se dessine, déjà, de manière encore indécise, sa vocation théâtrale, il entreprend plusieurs voyages qui le conduisent à New-York, à Moscou, au Mexique, au Guatemala (qu’il visite en pleine révolution sandiniste)… Bientôt, il a également l’occasion de se rendre en Afrique, de plus en plus attiré par «  la part la plus malheureuse  » de la vaste humanité qu’il découvre, « celle des vrais exploités ». Peut-être est-ce alors qu’il comprend la portée de cette situation traumatisante, dont il fut témoin, en 1961, dans le quartier du Pontiffroy où se situait son collège. Lors de « l’arrivée du général Massu (…), les cafés explosaient, on jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à laquelle il ne comprend rien ». « C’est probablement cela », dit-il, « qui m’a amené à m’intéresser davantage aux étrangers qu’aux Français. J’ai très vite compris que c’était eux le sang neuf de la France, qui si la France vivait sur le seul sang des Français, cela deviendrait un cauchemar, quelque chose comme la Suisse, la stérilité totale sur le plan artistique et sur tous les plans ».

Mais cette vision planétaire qu’il acquiert si rapidement, et qu’accompagne sa prise de conscience politique (il s’est inscrit au parti communiste), coïncide également avec ses premiers pas dans le monde du théâtre. À Strasbourg, d’abord, où, remarqué par Hubert Gignoux, il intègre l’école du Théâtre National de Strasbourg. À Paris, ensuite, où, grâce à Lucien et Micheline Attoun, certains de ses textes sont diffusés à la radio. L’élargissement de son univers le conduit à adopter un point de vue très critique vis-à-vis de la province, ce monde étriqué de la petite bourgeoisie française, «  catholique, de droite », dont il est issu. Certains diront : « Koltès ne s’aimait pas ». De fait, son amour allait aux autres, aux exclus, aux Africains et, plus généralement, aux Noirs. Du «  noir  », il fit la couleur emblématique de son désir autant que celle d’un peuple opprimé qu’il se sentait impuissant à défendre, mais qu’il aimait fréquenter, simplement. L’apologie de l’altérité n’est pas, chez Koltès une figure de style ni un simple engagement politique, c’est une manière de vivre, et d’aimer.

De son homosexualité, Koltès ne fit, publiquement, que rarement mention. Elle ne fut jamais, pour lui, l’objet d’une défense ou d’un combat. Sa « différence » n’en agissait pas moins sur son destin et sur son génie. Au début des années 70, Koltès traverse une période difficile, se drogue, tente de se suicider, entreprend une cure de désintoxication. Ayant assisté, en 76, à La Dispute montée par Patrice Chéreau, il décide aussitôt d’envoyer ses textes au célèbre metteur en scène qui, dans un premier temps, n’y prête guère attention. Qu’importe  ! Il attendra le temps qu’il faudra. En 1983, le miracle se produit. Chéreau découvre réellement Koltès, décidant de faire l’ouverture du Théâtre des Amandiers, qu’il dirige, avec Combat de nègre et de chiens. Suivront, bientôt, Quai Ouest et Dans la solitude des champs de coton. Koltès devient, soudain, le plus grand dramaturge français vivant. À cette époque, il sait déjà qu’il est atteint du sida, et prend probablement conscience que ses jours sont comptés.

En 1988, il écrit Retour au désert, une pièce située « dans une ville de l’est de la France », où un lecteur averti reconnaît facilement le Metz des années 60, avec son quartier arabe et ses villas bourgeoises. Déjà, Koltès, qui a été frappé par la beauté du visage d’un criminel sur des avis de recherche placardés dans le métro parisien, a entrepris son œuvre ultime, et peut-être son chef d’œuvre, Roberto Zucco. Fasciné par la charge érotique du personnage et par la théâtralité de son comportement, il commet l’imprudence de ne modifier que d’une seule lettre le nom de l’assassin Succo. La pièce sera créée, en Allemagne, par Peter Stein, en 1990. En France, la diffusion du spectacle provoque, dans la région de Chambéry où le criminel a sévi, des scandales et des interdictions. Koltès n’est plus là pour y assister. Le 15 avril 1989, précipitamment rentré d’un dernier voyage au Mexique et au Guatemala, il décède à Paris, à l’hôpital Laennec, âgé de 41 ans. Il est enterré au cimetière Montmartre.

 

OLIVIER GOETZ – MAITRE DE CONFÉRENCES À L’UPV-M

HORS SÉRIE KOLTÈS / L’ANNÉE KOLTÈS / DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : DOMINIQUE GROS / METZ

AVRIL 2009

ATRAC - Théâtre du Château - Ville 4 - 2525 Le Landeron - info@atrac.ch